G. Benz: Les Alpes et le chemin de fer

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Titel
Les Alpes et le chemin de fer.


Autor(en)
Benz, Gérard
Reihe
Collection histoire.ch
Erschienen
Lausanne 2007: Editions Antipodes
Anzahl Seiten
149 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Marc Gigase

Alors que l’on célèbre l’ouverture du tunnel de base du Lötschberg, l’ouvrage de Gérard Benz intervient à point nommé pour replacer le défi majeur que représente le franchissement ferroviaire des Alpes dans une perspective historique. Resté longtemps au stade d’utopie, la traversée du massif alpin se réalise en Suisse par la construction des tunnels du Saint-Gothard (1882) et du Simplon (1906). Un siècle plus tard, le pays vit une nouvelle épopée ferroviaire avec la réalisation des Nouvelles lignes ferroviaires alpines (NLFA) qui comprend les tunnels de base du Lötschberg et du Gothard, amenés à intensifier les liaisons entre le Nord et le Sud des Alpes. C’est dans la comparaison entre la construction des transversales alpines du XIXe siècle et les défis actuels que réside l’originalité de cette étude historique.

Dès les années 1850, les positions de la Suisse en tant que voie de transit des flux commerciaux européens sont menacées. Afin d’y remédier, des projets de transversales alpines voient le jour, s’inscrivant au coeur des rivalités montantes entre grandes puissances européennes et reflétant des intérêts régionaux spécifiques. En concurrence avec les axes étrangers du Mont-Cenis et du Brenner, les projets helvétiques opposent les voies du Splügen, du Lukmanier, du Gothard et du Simplon. L’auteur nous rappelle que si le Gothard jouit du soutien de la Confédération, de l’Italie et de l’Empire bismarckien, le projet du Simplon peine quant à lui à trouver une entente internationale disposée à le soutenir. Il se trouve également compromis par l’incapacité des cantons de Suisse occidentale à se fédérer autour de cet axe et par l’obstination de ses partisans, vaudois notamment, à rechercher en vain un appui financier et politique du côté de l’Hexagone. Il faut attendre une réorganisation des relations européennes à la fin du siècle et la fusion du Jura-Simplon pour que le percement du tunnel voie enfin le jour.

Si le contexte géopolitique a considérablement évolué un siècle plus tard, les NLFA répondent à la même préoccupation de la Suisse de se maintenir au centre des axes européens de transit. Les enjeux que soulève le projet sont tout aussi complexes puisque sa réalisation s’inscrit au coeur des débats sur la répartition du trafic entre le rail et la route et sur les rapports de la Suisse avec l’Union européenne. Les similitudes ne s’arrêtent pas là. En dépit des technologies actuelles plus performantes, les moyens techniques et financiers nécessaires à ce projet demeurent toujours colossaux. Comme l’ouvrage l’illustre, la construction de transversales alpines – chantiers pharaoniques pour l’époque – représente encore aujourd’hui un défi d’envergure et une entreprise périlleuse.

En décrivant les conditions de travail et de vie (logement, hygiène) des ouvriers et de leurs familles sur les chantiers de l’époque, l’auteur met également l’accent sur le revers, moins connu, de cet exploit technologique: l’exploitation ouvrière. Qu’en est-il aujourd’hui? Peut-on considérer, comme l’affirme l’auteur, que «[l]e souci du bien-être des ouvriers, l’amélioration des conditions de travail, le respect de la vie humaine ont fait place au manque de considération dont souffraient les pionniers des tunnels historiques» (p. 103)? Les conditions dans lesquelles des mineurs du Lesotho sont employés à Sedrun, pour y creuser une galerie dans le massif du Gothard, démontrent le contraire. Quant aux risques, qui sont à présent davantage maîtrisés – on est loin des centaines de morts des chantiers du XIXe siècle –, ils demeurent pourtant une constante dont témoignent les statistiques des décès et des accidents de chantier.

Cette étude historique souligne le rôle clé des passages alpins dans le positionnement de la Suisse en tant que maillon du transit européen entre la botte italienne et le sillon rhénan. Elle permet au lecteur de mieux saisir le sens de ces chantiers hors du commun et des investissements financiers et humains colossaux qu’ils exigent. Bien que l’absence d’appareil critique soit à déplorer, le mérite d’un tel ouvrage est de proposer à un public large, auquel s’adresse la collection «histoire.ch», un éclairage historique accessible couplé à une réflexion actuelle sur les transversales alpines.

Citation:
Marc Gigase: compte rendu de: Gérard Benz, Les Alpes et le chemin de fer, Lausanne: Ed. Antipodes & SHSR, Collection histoire.ch, 2007, 149 p. Première publications dans: Revue historique vaudoise, tome 116, 2008, p.274-275.

Redaktion
Veröffentlicht am
07.04.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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